Dans un contexte actuel où la Chine n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à étendre ses frontières physiques (jusqu’au récif de Fiery Cross en mer de Chine méridionale) et sa puissance économique (jusqu’au lointain continent africain), nous avons du mal à imaginer que quelques siècles plus tôt elle se cachait derrière un mur par peur des envahisseurs. Nous avons pédalé 700 km depuis Lanzhou, longeant patiemment et avec émerveillement les ruines immortelles de la Grande Muraille qui nous ont conduits jusqu’aux portes de Jiayuguan. Entre les neiges des monts Qilian et les montagnes noires du Hishan repose l’étroit canyon du Jiayu qui marque la fin du couloir du Hexi et l’entrée dans le désert de Gobi. Au début de la dynastie des Ming, en 1372, une immense forteresse, baptisée “Passe imprenable sous le ciel” fut construite dans la ville de Jiayuguan et constituait le dernier bastion occidental de la Chine. Dans le prolongement du fort, se dressaient fièrement les derniers 7 km de la Grande Muraille de Chine, marquant l’extrémité ouest de l’Empire au-delà duquel vivaient les ennemis d’Asie centrale et les monstres ou autres esprits malfaisants du désert. Deux jours de repos dans cette ville chargée d’histoire nous ont remis sur pieds. En remontant sur nos selles le 24 juillet dernier nous savions que nous prenions la direction de terres arides et inhospitalières. Nous ne craignions plus les hordes de barbares représentées sur les fresques de la forteresse, mais la chaleur et la solitude du désert de Gobi. Pourtant dans ces vastes terres isolées et fouettées par les vents nous avons pédalé aux côtés de cyclistes chinois et coréens et nos 400 derniers kilomètres dans la province du Gansu en direction de la ville de Dunhuang furent plus animés que jamais. A nous onze, nous formions, la caravane des temps modernes!
